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Bibliographie sélective d'Edgar Morin

    Les différents travaux d'Edgar Morin ne se laissent pas enfermer sous une discipline particulière. Cela dit on les trouve le plus souvent au rayon sociologie des librairies.

    Chacun de ses livres constituent une mise  en oeuvre de la pensée complexe sur un domaine donné  du réel (l'Europe, la terre, lui même, l'éducation,...).

bulletIntroduction à la pensée complexe (voir l'avant propos)

    C'est le premier livre d'Edgar Morin que j'ai lu. On peut le lire avant la Méthode mais après ou au milieu. Ce qu'il y de d'étonnant chez Morin c'est que chaque recoin de ses livres est imbibé par sa pensée toute entière. Il se répète certes, mais c'est pour mieux enfoncer le clou dans des contextes différents.

bulletLe paradigme perdu la nature humaine

Premiers pas vers l'an zéro d'une véritable science de l'homme. Intéressant dans la quête du "qui sommes nous?"

bulletMes démons

    Connaître l'homme qui est derrière tout ce travail est indispensable pour le suivre dans sa Méthode. Ce livre m'a vraiment aidé à découvrir mes propres démons et surtout à faire avec.

bulletAmour poésie sagesse

    Ce petit recueil de trois conférences se dévore en quelques heures. Il fait parti de ces rares livres qui vous mettent dans un état second...poétique à vrai dire.

bulletTerre patrie

     Nous sommes des terriens avant tout, notre planète est notre mère patrie, nous partageons tous la même communauté de destin. L'homme dans sa course effrénée au progrès à résolu beaucoup de problèmes "ici et maintenant" mais en a créer tout autant "là bas et plus tard". Edgar Morin et nous alerte sur ce grave danger qui nous menace et nous invite à agir en citoyen de la terre.

bulletScience avec conscience

    " Science sans conscience n’est que ruine de l’âme " disait Rabelais. La conscience qui manque ici n’est pas la conscience morale, c’est la conscience tout court, c’est-à-dire l’aptitude à se concevoir soi-même.
    Edgar Morin nous invite à ne pas confondre la rationalité et la rationalisation qui consiste à vouloir toujours enfermer une explication dans le cadre d'une théorie ou d'un système clos. Les idéologies en sont un bel exemple, et sont dangereuses par nature.
Nota : Attention donc pour les qualiticiens de ne tomber dans ce piège.

bulletLes sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur.

    Cet ouvrage est disponible sur le web en version intégrale. En voici l'avant propos ci dessous.
Le travail à entreprendre est immense, il est donc important de faire connaître les idées d'Edgar Morin sur l'éducation. Il a écrit deux autres ouvrages dans ce domaine que je n'ai pas lus (La tête bien faite et Penser la  réforme Réformer la pensée)

 

Introduction à la pensée complexe

Avant propos

    Nous demandons légitimement à la pensée qu’elle dissipe les brouillards et les obscurités, qu’elle mette de l’ordre et la clarté dans le réel, qu’elle révèle les lois qui le gouvernent. Le mot de complexité, lui ne peut qu’exprimer notre embarras, notre confusion, notre incapacité de définir de façon simple, de nommer de façon claire, de mettre de l’ordre dans nos idées.

    Aussi la connaissance scientifique fut longtemps et demeure encore souvent conçue comme ayant pour mission de dissiper l’apparente complexité des phénomènes afin de révéler l’ordre simple auquel ils obéissent.

    Mais s’il apparaît que les modes simplificateurs de connaissance mutilent plus qu’ils n’expriment les réalités ou les phénomènes dont ils rendent compte, s’il devient évident qu’ils produisent plus d’aveuglement que d’élucidation, alors surgit le problème : comment envisager la complexité de façon non-simplifiante ? Ce problème toutefois ne peut immédiatement s’imposer. Il doit prouver sa légitimité, car le mot même de complexité n’a pas derrière lui un noble héritage philosophique, scientifique, ou épistémologique.

    Il subit au contraire une lourde tare sémantique, puisqu’il porte en son sein confusion, incertitude, désordre. Sa définition première ne peut fournir aucune élucidation : est complexe ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi, ce qui ne peut se réduire à une idée simple. Autrement dit le complexe ne peut se résumer dans le mot de complexité, se ramener à une loi de complexité, se réduire à l’idée de complexité. La complexité ne saurait être quelque chose qui se définirait de façon simple et prendrait la place de la simplicité. La complexité est un mot problème et non un mot solution.

    La nécessité de la pensée complexe ne saurait être justifiée dans un avant-propos. Une telle nécessité ne peut s’imposer que progressivement au cours d’un cheminement où apparaîtraient tout d’abord les limites, les insuffisances et les carences de la pensée simplifiante, puis les conditions dans lesquelles nous ne pouvons éluder le défi du complexe. Il faudra ensuite se demander s’il y a des complexités différentes les unes des autres et si l’on peut lier ensemble ces complexités en un complexe des complexes. Il faudra enfin voir s’il est un mode de pensée ou une méthode capable de relever le défi de la complexité. Il ne s’agira pas de reprendre l’ambition de la pensée simple qui était de contrôler et de maîtriser le réel. Il s’agira de s’exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui.

    Il faudra dissiper deux illusions qui détournent les esprits du problème de la pensée complexe.

    La première est de croire que la complexité conduit à l’élimination de la simplicité. La complexité apparaît certes là où la pensée simplifiante défaille, mais elle intègre en elle tout ce qui met de l’ordre, de la clarté de la distinction, de la précision dans la connaissance. Alors que la pensée simplifiante désintègre la complexité du réel, la pensée complexe intègre le plus possible les modes simplifiants de penser, mais refuse les conséquences mutilantes, réductrices, unidimensionnalisantes et finalement aveuglantes d’une simplification qui se prend pour le reflet de ce qu’il y a de réel dans la réalité.

    La seconde illusion est de confondre complexité et complétude. Certes, l’ambition de la pensée complexe est de rendre compte des articulations entre des domaines disciplinaires qui sont brisés par la pensée disjonctive (qui est un des aspects majeurs de la pensée simplifiante) ; celle-ci isole ce qu’elle sépare, et occulte tout ce qui relie, interagit, interfère. Dans ce sens la pensée complexe aspire à une connaissance multidimensionnelle . Mais elle sait au départ que la connaissance complète est impossible : un des axiomes de la complexité est l’impossibilité, même en théorie d’une omniscience. Elle fait sienne la parole d’Adorno " la totalité est la non-vérité ". Elle comporte la reconnaissance d’un principe d’incomplétude et d’incertitude. Mais elle porte aussi en son principe la reconnaissance des liens entre les entités que notre pensée doit nécessairement distinguer, mais non isoler les unes des autres. Pascal avait justement posé que toutes choses sont " causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et que toutes s’entretiennent par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes ". Aussi la pensée complexe est animée par une tension permanente entre l’aspiration à un savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l’inachèvement et de l’incomplétude de toute connaissance.

    Cette tension a animé toute ma vie.

    Toute ma vie, je n’ai jamais pu me résigner au savoir parcellisé, je n’ai jamais pu isoler un objet d’études de son contexte, de ses antécédents, de son devenir. J’ai toujours aspiré à une pensée multidimensionnelle. Je n’ai jamais pu éliminer la contradiction intérieure. J’ai toujours senti que des vérités profondes, antagonistes les unes aux autres, étaient pour moi complémentaires, sans cesser d’être antagonistes. Je n’ai jamais voulu réduire de force l’incertitude et l’ambiguïté.

    Dès mes premiers livres, je me suis affronté à la complexité, qui est devenue le dénominateur commun à tant de travaux divers qui ont semblé à beaucoup dispersés. Mais le mot même de complexité ne me venait pas à l’esprit, il a fallu qu’il m’arrive vers la fin des années 1960, véhiculé par la théorie de l’information, la cybernétique, la théorie des systèmes, le concept de l’auto-organisation, pour qu’il émerge sous ma plume, ou plutôt sur mon clavier. Il s’est alors dégagé du sens banal (complication, confusion) pour lier en lui l’ordre, le désordre et l’organisation, et au sein de l’organisation, l’un et le divers ; ces notions ont travaillé les unes avec les autres, de façon à la fois complémentaires et antagonistes ; elles se sont mise en interaction et en constellation. La concept de complexité s’est formé, il a grandi, étendu ses ramifications, il est passé de la périphérie au centre de mon propos, il est devenu macro-concept, lieu crucial d’interrogations, liant désormais en lui le nœud gordien du problème des relations entre l’empirique, le logique et le rationnel. Ce processus coïncide avec la gestation de La méthode, qui commence en 1970 ; l’organisation complexe, et même hyper complexe est ouvertement au cœur organisateur de mon livre Le paradigme perdu (1973). Le problème logique de la complexité est l’objet d’un article publié en 1974 (Au-delà de la complication, la complexité, repris dans la première édition de Science avec conscience).La Méthode est et sera en fait la méthode de la complexité.

    Ce livre, constitué par un remembrement de textes divers, est une introduction à la problématique de la complexité. Si la complexité est non pas la clé du monde, mais le défi à affronter, la pensée complexe est non pas ce qui évite ou supprime le défi, mais ce aide à la relever, et parfois même à la surmonter.

Edgar Morin

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 Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur

Avant-propos

    Ce texte se veut antérieur à tout guide ou précis d’enseignement. Il ne traite pas de l’ensemble des matières qui sont ou devraient être enseignées : il tient à exposer seulement et essentiellement des problèmes centraux ou fondamentaux, qui demeurent totalement ignorés ou oubliés, et qui sont nécessaires à enseigner dans le siècle futur.

    Il y a sept savoirs " fondamentaux " que l’éducation du futur devrait traiter dans toute société comme dans toute culture, sans exclusive ni rejet, selon modes et règles propres à chaque société et chaque culture.

    Ajoutons que le savoir scientifique sur lequel s’appuie ce texte pour situer la condition humaine est non seulement provisoire, mais encore débouche sur de profonds mystères concernant l’Univers, la Vie, la naissance de l’Etre humain. Ici s’ouvre un indécidable dans lequel interviennent les options philosophiques et les croyances religieuses, à travers cultures et civilisations.

Les sept savoirs nécessaires

Chapitre I : Les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion
bullet Il est remarquable que l’éducation qui vise à communiquer les connaissances soit aveugle sur ce qu’est la connaissance humaine, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés, ses propensions à l’erreur comme à l’illusion, et ne se préoccupe nullement de faire connaître ce qu’est connaître.
bullet En effet, la connaissance ne peut être considérée comme un outil ready made, que l’on peut utiliser sans examiner sa nature. Aussi la connaissance de la connaissance doit-elle apparaître comme une nécessité première qui servirait de préparation à l’affrontement des risques permanents d’erreur et d’illusion, qui ne cessent de parasiter l’esprit humain. Il s’agit d’armer chaque esprit dans le combat vital pour la lucidité.
bullet Il est nécessaire d’introduire et de développer dans l’enseignement l’étude des caractères cérébraux, mentaux, culturels des connaissances humaines, de ses processus et de ses modalités, des dispositions tant psychiques que culturelles qui lui font risquer l’erreur ou l’illusion.

Chapitre II : Les principes d’une connaissance pertinente

bullet Il y a un problème capital, toujours méconnu, qui est celui de la nécessité de promouvoir une connaissance capable de saisir les problèmes globaux et fondamentaux pour y inscrire les connaissances partielles et locales.
bullet La suprématie d’une connaissance fragmentée selon les disciplines rend souvent incapable d’opérer le lien entre les parties et les totalités et doit faire place à un mode de connaissance capable de saisir ses objets dans leurs contextes, leurs complexes, leurs ensembles.
bullet Il est nécessaire de développer l’aptitude naturelle de l’esprit humain à situer toutes ses informations dans un contexte et un ensemble. Il est nécessaire d’enseigner les méthodes qui permettent de saisir les relations mutuelles et influences réciproques entre parties et tout dans un monde complexe.

Chapitre III : Enseigner la condition humaine

bullet L’être humain est à la fois physique, biologique, psychique, culturel, social, historique. C’est cette unité complexe de la nature humaine qui est complètement désintégrée dans l’enseignement, à travers les disciplines, et il est devenu impossible d’apprendre ce que signifie être humain. Il faut la restaurer, de façon à ce que chacun, où qu’il soit, prenne connaissance et conscience à la fois de son identité complexe et de son identité commune avec tous les autres humains.
bullet Ainsi, la condition humaine devrait être un objet essentiel de tout enseignement.
bullet Ce chapitre indique comment il est possible, à partir des disciplines actuelles, de reconnaître l’unité et la complexité humaines en rassemblant et organisant des connaissances dispersées dans les sciences de la nature, les sciences humaines, la littérature et la philosophie, et de montrer le lien indissoluble entre l’unité et la diversité de tout ce qui est humain.

Chapitre IV : Enseigner l’identité terrienne

bullet Le destin désormais planétaire du genre humain est une autre réalité clé ignoré par l’enseignement. La connaissance des développements de l’ère planétaire qui vont s’accroître dans le XXIe siècle, et la reconnaissance de l’identité terrienne, qui sera de plus en plus indispensable pour chacun et pour tous, doivent devenir un des objets majeurs de l’enseignement.
bullet Il convient d’enseigner l’histoire de l’ère planétaire, qui commence avec la communication de tous les continents au XVIe siècle, et de montrer comment sont devenues inter-solidaires toutes les parties du monde sans pourtant occulter les oppressions et dominations qui ont ravagé l’humanité et n’ont pas disparu.
bullet Il faudra indiquer le complexe de crise planétaire qui marque le XXe siècle, montrant que tous les humains, désormais confrontés aux mêmes problèmes de vie et de mort, vivent une même communauté de destin.

Chapitre V : Affronter les incertitudes

bullet Les sciences nous ont fait acquérir beaucoup de certitudes, mais nous ont également révélé au cours du XXe siècle d’innombrables domaines d’incertitudes. L’enseignement devrait comporter un enseignement des incertitudes qui sont apparues dans les sciences physiques (microphysiques, thermodynamique, cosmologie), les sciences de l’évolution biologique et les sciences historiques.
bullet Il faudrait enseigner des principes de stratégie, qui permettent d’affronter les aléas, l’inattendu et l’incertain, et de modifier leur développement, en vertu des informations acquises en cours de route. Il faut apprendre à naviguer dans un océan d’incertitudes à travers des archipels de certitude.
bullet La formule du poète grec Euripide, vieille de vingt-cinq siècles, est plus actuelle que jamais : " L’attendu ne s’accomplit pas, et à l’inattendu un dieu ouvre la porte ". L’abandon des conceptions déterministes de l’histoire humaine qui croyaient pouvoir prédire notre futur, l’examen des grands événements et accidents de notre siècle qui furent tous inattendus, le caractère désormais inconnu de l’aventure humaine doivent nous inciter à préparer les esprits à s’attendre à l’inattendu pour l’affronter. Il est nécessaire que tous ceux qui ont la charge d’enseigner se portent aux avant-postes de l’incertitude de nos temps.

Chapitre VI : Enseigner la compréhension

bullet La compréhension est à la fois moyen et fin de la communication humaine. Or, l’éducation à la compréhension est absente de nos enseignements. La planète nécessite dans tous les sens des compréhensions mutuelles. Etant donné l’importance de l’éducation à la compréhension, à tous les niveaux éducatifs et à tous les âges, le développement de la compréhension nécessite une réforme des mentalités. Telle doit être l’œuvre pour l’éducation du futur.
bullet La compréhension mutuelle entre humains, aussi bien proches qu’étrangers, est désormais vitale pour que les relations humaines sortent de leur état barbare d’incompréhension.
bullet D’où la nécessité d’étudier l’incompréhension, dans ses racines, ses modalités et ses effets. Une telle étude est d’autant plus nécessaire qu’elle porterait, non sur les symptômes, mais sur les causes des racismes, xénophobies, mépris. Elle constituerait en même temps une des bases les plus sûres de l’éducation pour la paix, à laquelle nous sommes attachés par fondation et vocation.

Chapitre VII : L’éthique du genre humain

bullet L’enseignement doit amener à une " anthropo-éthique " par la considération du caractère ternaire de la condition humaine, qui est d’être à la fois individu ø société ø espèce. Dans ce sens, l’éthique individu/espèce nécessite un contrôle mutuel de la société par l’individu et de l’individu par la société, c’est-à-dire la démocratie ; l’éthique individu / espèce appelle au XXIe siècle la citoyenneté terrestre.
bullet L’éthique ne saurait être enseignée par des leçons de morale. Elle doit se former dans les esprits à partir de la conscience que l’humain est à la fois individu, partie d’une société, partie d’une espèce. Nous portons en chacun de nous cette triple réalité. Aussi, tout développement vraiment humain doit-il comporter le développement conjoint des autonomies individuelles, des participations communautaires et de la conscience d’appartenir à l’espèce humaine.
 
A partir de cela s’esquissent les deux grandes finalités éthico-politiques du nouveau millénaire : établir une relation de contrôle mutuel entre la société et les individus par la démocratie, accomplir l’Humanité comme communauté planétaire. L’enseignement doit contribuer, non seulement à une prise de conscience de notre Terre-Patrie, mais aussi permettre que cette conscience se traduise en une volonté de réaliser la citoyenneté terrienne.

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